Cet article a été écrit par Jérémy Royaux. Rappelons que les articles publiés sur ce blog ne font que refléter l'opinion de leurs auteurs respectifs, et pas nécessairement l'opinion de l'ensemble des auteurs de ce blog.
L'administrateur
Au travers ce sujet, j’ai
voulu faire le point sur l’hypnose telle qu’elle existe
aujourd’hui. Mes propos concerneront l’hypnose « clinique »,
pratiquée dans le domaine psychologique ou médical. Je ne parlerai
pas de l’hypnose de spectacle qui n’est pas grand-chose de plus
qu’un phénomène social de suggestion. Je commencerai par des
éléments de définitions, puis j’aborderai l’hypnosédation et
l’utilisation de l’hypnose en thérapie.
Eléments de
définition(s)
Il existe beaucoup de
définitions de l’hypnose, je reprendrai celle du Dr Faymonville
(1) (qui a grandement contribué à instaurer l’hypnose en
anesthésiologie) : Elle définit l’hypnose comme une «
interaction sociale dans laquelle une personne (appelée sujet)
répond aux suggestions qui lui sont faites par une autre personne
(appelée « hypnotiseur » ou «accompagnateur»). La
façon dont ces suggestions sont proposées aux sujets obéissent à
des règles particulières de sémantique et d'intonation de la voix
(techniques hypnotiques d'induction) afin de produire chez le sujet,
qui est d'accord de collaborer, un changement dans le mode de
fonctionnement du cerveau avec altérations des perceptions, de la
mémoire, des processus attentionnels et de l'action volontaire.
Ainsi, le sujet devient très susceptible aux suggestions de
l'« accompagnateur » et il vit un autre rapport à
lui-même, à son corps et à son environnement. La capacité de
notre cerveau de glisser vers ce mode de fonctionnement particulier
est innée avec, cependant, des aptitudes à l'utiliser variant d'un
individu à l'autre : il existe des virtuoses de l'hypnose et
des apprentis. »
Tout individu (sauf
exceptions rares : maladies psychiatriques, retard mental,…)
est donc capable de faire de l’hypnose de manière innée mais avec
des différences individuelles.
Il n’est pas inutile de
préciser ici que 2 visions s’affrontent actuellement dans la
recherche : une vision étatiste (l’hypnose serait un état
particulier, autre que le sommeil ou l’état de veille) et une
vision non étatiste, majoritaire à l’heure actuelle (l’hypnose
ne serait pas différent d’un état de veille normale). La vision
non étatiste rassemble la majeure partie des scientifiques et semble
de plus en plus être validée par les avancées des neuro-sciences.
L’hypnosédation
Cette utilisation
spécifique de l’hypnose est celle qui a été de loin la plus
étudiée et la plus validée. En Belgique, à l’hôpital
universitaire de Liège, près de 5000 patients (1) avaient été
opérés avec l’aide de l’hypnosédation. Cette méthode permet
de moduler la douleur de manière significative en combinant l’état
d’hypnose, l’imagerie mentale et la suggestion. Il ne s’agit
pas ici de remplacer l’anesthésie par l’hypnose mais de combiner
les deux afin d’utiliser une dose nettement moins importante
d’anesthésiant. Les résultats ont été validés et reproduits
depuis pas mal d’années et sont appuyés par l’imagerie
cérébrales. Je ne rentrerai pas dans les détails à ce niveau mais
l’imagerie a déjà permis de faire pas mal de recherches sur ce
qui se passe au niveau cérébral pendant l’hypnose. De nombreuses
opérations sont réalisées avec cette méthode. En chirurgie
mineure : extraction de dents, changements de pansements de
patients brulés, lipoaspiration,… En chirurgie majeure : pose
de prothèses mammaires, thyroïdectomie, hystérectomie,…
L’hypnose en
thérapie
L’utilisation de
l’hypnose en psychothérapie souffre d’un plus grand manque de
recherche que l’hypnosédation. Une des raisons principales est
probablement le fait que l’hypnose est un outil et non une
thérapie. Elle est donc toujours utilisée par un praticien formé à
un courant qui influencera sa pratique de l’hypnose. En Belgique,
la plus grande partie des hypnothérapeutes semblent être formés à
la Thérapie Brève (une sous branche de la thérapie systémique,
centrée sur l’individu et pas sur la famille). On trouve également
des hypnothérapeutes qui se réfèrent aux thérapies cognitives et
comportementales ainsi que quelques (rares) psychanalystes qui
utilisent l’hypnose pour accélérer leur méthode d’association
libre (dire ce qui vous passe par l’esprit en associant une idée à
une autre). On comprend donc la difficulté d’étudier l’hypnose
thérapeutique. Il existe beaucoup d’articles, de protocoles et de
cas cliniques publiés mais assez peu d’études de qualité pour
évaluer les résultats dans le traitement des principaux troubles
qu’on rencontre en thérapie, ce qui ne diminue pas l’intérêt
de nombreux praticiens et clients pour cet outil et leur conviction
dans son utilité. Des effets positifs ont été démontrés dans de
nombreuses études comme celle d’Abramowitz(2) concernant le
traitement du syndrome de stress post-traumatique avec insomnie. Il
reste néanmoins un travail important à faire au niveau de la
validation des effets de l’hypnose. Ce travail est d’autant plus
nécessaire que les résultats sont encourageants. Flammer et
Bongartz(3), après avoir pris en compte 57 études randomisées sur
les effets de l’hypnothérapie ont conclus à un effet significatif
de l’hypnose et relevant que les sujets qui sont plus
hypnotisables ont tiré un bénéfice plus important de
l’hypnothérapie.
Il semblerait que
l’hypnose s’inspire de plus en plus des thérapies cognitives et
comportementales, ce qui, à mon avis, découle du fait que la
thérapie s’inspire de plus en plus des recherches scientifiques
(il n’est pas inutile de rappeler que la psychologie est une
science, malgré le fait que de nombreux thérapeutes ne se tiennent
absolument pas au courant des recherches et des avancées de leur
champ). Il est intéressant de remarquer qu’il y a une volonté de
plus en plus importante d’utiliser l’hypnose avec une visée
intégrative. Essentiellement avec les thérapies cognitives et
comportementales. Ce courant intégratif appelé «cognitive
hypnosis» est de plus en plus actif et il existe déjà de nombreux
protocoles de traitements qui intègrent l’hypnose à la thérapie
cognitive et comportementale ainsi que des études de qualité qui
ont validé un effet supérieur de cette approche comparée à la
thérapie cognitive et comportementale sans hypnose. Pour aller plus
loin à ce propos, le livre Cognitive Hypnotherapy d’Assen
Alladin(4) fait le point sur les nombreuses recherches de ce courant.
La méta-analyse de Kirsch, Montgomery & Sapirstein (5) fait
également le point sur une série d’études qui évaluent
l’efficacité de l’hypnose cognitive comparée à la thérapie
cognitive et comportementale et concluent à la supériorité de
cette approche intégrative.
Conclusion
L’hypnothérapie est une pratique passionnante en constante évolution. Loin de tout le blabla marketing qu’on peut trouver et des mythes qu’on voit dans les films, c’est un réel outil de thérapie qui a fait ses preuves. Il reste néanmoins de nombreuses recherches à réaliser afin de déterminer ses effets et son utilité avec précision. On pourra en tout cas compter sur le courant de l’hypnose cognitive pour faire avancer ce champ en se basant sur « l’evidence based medecine » et de nombreuses études ont déjà été réalisées dans ce sens. Pour ma part, je continue à pratiquer l’hypnose à raison d’une dizaine de séances par semaines lors de mes consultations. J’essaye d’ancrer au maximum ma pratique dans les sciences psychologiques et leur évolution et je pense que l’hypnose à un avenir très positif devant elle.
Jérémy Royaux
Hypnothérapeute
www.therapie-systemique-breve.be
M.-E. Faymonville1*, J. Joris1, M. Lamy1, P. Maquet 2,3, S. Laureys 2,3
1 Département
d'anesthésie-réanimation, Centre hospitalier universitaire,
Université de Liège, 4000 Liège, Belgique ; 2 Département
de neurologie, Centre hospitalier universitaire, Université de
Liège, 4000 Liège, Belgique ; 3 Centre
de recherche du Cyclotron, Université de Liège - Sart Tilman, 4000
Liège, Belgique
Conférences
d'actualisation 2005, p. 59-69
- Abramowitz, E. G., Barak, Y., Ben-Avi, I., Knobler, H. Y. (2008). Hypnotherapy in the treatment of chronic combat-related PTSD patients suffering from insomnia: a randomized zolpiderm-controlled clinical trial. International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis, 56(3), 270-280.
- Flammer, E., Bongartz, W. (2003). On the efficacy of hypnosis: A meta-analytic study. Contemporary Hypnosis, 20, 179-197.
- A., Alladin. (2008) Cognitive Hypnotherapy. Editions Wiley.
- Kirsch, I., Montgomery, G., & Sapirstein, G. (1995). Hypnosis as an adjunct to cognitive-behavioral psychotherapy: A meta-analysis. Journal of Consulting & Clinical Psychology, 63, 214-220.
Article intéressant, très instructif, très bon pour un premier article ! Chapeau !
RépondreSupprimerAu fait, pour présenter un contrepoint, que pensez-vous, par exemple, des études de la collaboration Cochrane qui ont semblé indiquer que l'hypnose n'était pas si efficace que ça concernant le tabagisme ou le côlon irritable ?
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJe pense que ça montre bien que l'hypnose en elle même n'est pas une thérapie.
RépondreSupprimerl'arrêt tabac par hypnose contient en général 1 ou quelques séances et consiste en gros à suggérer toute une série de choses positives au patient, par images, métaphores, .... Ce n'est rien de plus que ça... De la suggestion. Il n'est donc pas surprenant de constater que l'effet est limité.
J'ai crée un programme de sevrage il y a plusieurs années en m'inspirant d'autres programmes existants. J'y utilise l'hypnose dans 2 des 4 séances que je propose.
Le principal contenu de ce programme n'est pas l'hypnose... C'est surtout des stratégies d'apprentissages pour créer de nouvelles habitudes, gérer la frustration, préparer ce qu'on va faire quand ça sera difficile,... L'hypnose n'y joue qu'une part mineure je pense
L'hypnose y sert a 2 choses : la suggestion, et projection dans le futur, ou le patient doit imaginer une situation difficile et comment il va réagir (en utilisant ce qu'on vient de lui apprendre). C'est donc aussi un moyen de mettre quelque chose en mémoire.
Rien de révolutionnaire donc. Je pense vraiment qu'on utilise encore beaucoup trop l'hypnose comme une baguette magique, on suggère, on espère que ça marche... et voila. Comme pour le colon irritable.... Quand j'ai des gens pour cette pathologie, je travaille sur la gestion du stress, et j'utilise l'hypnose pour leur apprendre à faire de la relaxation par eux même... Avec ça, il y a bien sur des suggestions, mais qui ont une importance limitée je pense.
Après, il faut pas sous estimer l'impact des suggestions. Dans certains cas, ça suffit pour que les gens changent leur vision des choses et se mobilisent eux même, ce qu'ils n'arrivaient pas à faire avant.
La thérapie, c'est surtout le patient qui la fait, pas l'hypnose ni le thérapeute.
Je pense que l'hypnose est surtout utile pour amplifier l'effet de ce qu'on fait déjà, notamment en TCC.
Elle est également très utile pour apprendre aux gens à faire de la relaxation (en 1-2 séances la plupart y arrivent, ce qui est pas mal comparé aux autres méthodes genre yoga qui sont très longues à apprendre)
Pour le reste, on ajoute toujours des suggestions qui ont parfois un effet, parfois pas, et c'est surtout placebo les suggestions... Beaucoup d'hypnothérapeutes y conscience de l'effet placebo de l'hypnose et tentent de l'amplifier un maximum. Personnellement je fais pareil tout en essayant d'éviter tout acte ou déclaration pseudoscientifique ou charlatanesque :p
J'ai toujours rejeté la lévitation par exemple (démontrer au patient que son bra peut se lever tout seul sans qu'il s'en rende compte... ce qui amplifie le coté théâtral et donc l'effet placebo... ça marche, mais je ne le fais pas par principe)
J'ai des patients qui viennent pour faire de l'hypnose et se retrouvent à faire beaucoup d'autres choses et peu d'hypnose. L'hypnose à la cote dans l'imagination populaire mais il faut toujours commencer par fixer des objectifs raisonnables et dire aux gens que l'hypnose, c'est juste un outil parmi d'autres, et rien de plus.... Mais si je peux amener quelqu'un à se bouger pour résoudre son problème (qu'il sait résoudre seul mais seulement s'il trouve le déclic pour se mobiliser), ça ne me dérange pas d'utiliser les métaphores et des suggestions pour lui faire penser qu'il est capable et qu'il est temps qu'il se mette eu travail :) Je pense qu'une part importante de la thérapie (hors pathologies psychiatriques) consiste ni plus ni moins à amener les gens à utiliser leurs propres ressources pour résoudre leurs problèmes...