27/08/2015

Mon positionnement politique (1)

Quand je cherche à me définir politiquement, je suis de plus en plus confus. Je vais ici reprendre une analyse issue d'un précédent article.

Très grossièrement, on peut voir l'espace des idées politiques comme comportant deux axes, celui des valeurs et celui des méthodes.

Le premier axe, celui des valeurs, oppose deux camps principaux :

En bas sur cet axe, on considère que l'individu est pris dans une histoire, que celle-ci doit être respectée et qu'il doit avoir pour contre-partie morale d'y être fidèle et de respecter celle des autres (au moins au sein de sa propre communauté, de façon à y inclure des courants d'extrême-droite). On affirme l'importance de la biologie et des racines dans la construction de l'individu. Parfois même, s'y ajoutent des principes d'origine religieuse. En haut sur cet axe, on affirme au contraire l'autonomie radicale de l'individu, en niant l'importance de son origine et la façon dont cela pourrait influer sur la perception de sa propre autonomie.

En bas de l'axe, on accorde de l'importance à des choses telles que l'effort, le soin pour son propre corps, le besoin de normes collectives, la fidélité à son pays d'origine, la construction de l'identité personnelle dans le développement de l'individu. En haut sur cet axe, au contraire, on accorde relativement moins d'importance à ces valeurs, au nom de l'auto-détermination de l'individu.

Le bas de l'axe est associé à des valeurs "conservatrices" (ce qui, à l'extrême, peut recouvrir des valeurs xénophobes, fascistes ou théocratiques) le haut de l'axe à des valeurs "progressistes" voire "relativistes" (la négation de la biologie et de l'évolution et l'affirmation de la toute-puissance de la volonté pouvant parfois atteindre des seuils extrêmes).

Le deuxième axe, celui des méthodes, oppose approche préventive contre approche répressive. L'approche répressive part du principe que l'être humain est libre et responsable de ses actes et n'est pas soumis à un déterminisme quelconque, en particulier social. L'approche préventive insiste au contraire sur les déterminismes, en particulier sociaux, dont l'être humain est l'objet, et se propose d'agir en amont pour les contrer.

Le "répressif" considère qu'il faut faire appel à l'intérêt individuel. Si on donne à quelqu'un tout ce dont il a besoin tout de suite, il ne va jamais chercher à aller au-delà et cela ne va faire que ponctionner les vrais créateurs de richesse, provoquant ainsi la faillite du système.

Le "préventif" considère cette idée comme cruelle. Ce sont davantage des facteurs sociaux qui expliquent le comportement de l'individu, et c'est sur eux qu'il faut agir.

L'approche répressive est donc associée, comme son nom l'indique, à des positions répressives en matière de criminalité, mais aussi à une certaine défense du libéralisme économique. L'approche préventive est au contraire associée à un plus grand interventionnisme.

On peut résumer cela à l'aide du schéma suivant :



Contrairement à ce que suggère mon propre graphique, je suis en fait très près du centre, voire en réalité au centre-haut, sur l'axe des valeurs*, que cela rassure tout de suite les lecteurs qui pencheraient plutôt du côté "libertaire". (être en bas de l'axe ne reflète d'ailleurs pas du tout mon propre comportement dans ma vie personnelle, soi-dit en passant...) Reste que je suis quelque peu déconcerté par le relativisme moral d'une certaine gauche (ou plutôt, dans les faits, d'une certaine extrême-gauche). Je ne voudrais pas que certaines ouvertures possibles sur le plan législatif se traduisent par un affaiblissement de notre sens moral commun. En fait, je les soutiens surtout parce que je suis à gauche sur l'axe préventif-répressif, pas à cause de ma position sur l'axe des valeurs.

Ce qui m'amène au point suivant, à savoir le caractère intrinsèquement "bordélique" de mon propre positionnement.

Ce qui semble le plus logique en effet, c'est d'associer "éthique minimale" et approche préventive, de même que "conservatisme" et approche répressive.

D'un certain point de vue, il est en effet (à première vue, du moins) beaucoup plus facile d'imposer des valeurs "conservatrices" à l'aide d'un modèle répressif. De même, on peut dire que l'approche répressive est déjà, en soi, associée à certaines valeurs "conservatrices" (ne serait-ce que le respect de la propriété), ce qui suscite le rapprochement entre les deux pôles.

Ensuite, on peut supposer que l'adhésion à un modèle préventif amène à s'interroger davantage sur la pertinence de certaines normes, et que la remise en cause des normes peut être associée à une volonté de changement social et donc avec le modèle préventif, d'où un rapprochement de ces deux pôles.

Mais on ne voit pas pourquoi il ne serait pas possible d'associer, par exemple, "éthique minimale" et approche répressive. En fait, il y a un point de jonction philosophique entre les deux sur l'importance de l'autonomie de l'individu, bien que cela soit dans différents domaines et en en tirant différentes conclusions.  Dans les faits, ce positionnement correspond d'ailleurs à une partie du libéralisme classique et du libertarianisme (on y trouve aussi des conservateurs/préventifs sur certains points, qui ont les mêmes positions que les autres mais pas pour les mêmes raisons... Bref, c'est compliqué). Mais il y a alors une tension, sur la question de la sécurité par exemple, et ce positionnement est à la fois hésitant et "dissonant" en termes de système de valeurs. Le modèle répressif est en effet très lié à la question de la norme et à la façon de la faire émerger, ce qui ne s'accommode pas très bien avec un système de valeurs qui prône le rejet des normes.

De même, on ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas grouper "conservatisme" et approche préventive, mais ce positionnement paraît alors encore plus bizarre, en particulier à cause de la tension permanente entre valeurs "conservatrices" et mollesse à les faire respecter. De plus, comme dans le cas précédent, le modèle préventif est associé à la remise en question de la norme.

Il est néanmoins possible de dégager plusieurs pistes qui rendraient les deux compatibles dans une certaine mesure.

(suite dans un prochain article, qui abordera aussi la remise en question de ces dimensions pour caractériser l'axe gauche-droite)

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*Je suis également un peu plus près du centre sur l'axe préventif-répressif (être tout à gauche sur cet axe implique un haut degré de certitude quant aux facteurs qui déterminent l'être humain, ce qui n'est pas mon cas).

2 commentaires:

  1. votre graphe me rapelle un graphe apparemment connu en sociologie que j'avais découvert quand à la pratique de l'escalade

    il y a deux axes, l'un est le conservatisme contre l'innovation, l'autre est la dramatisation contre les compromis

    http://www.virtualburo.fr/telechargements/articles/Les_imaginaires_escalade.pdf

    a noter que souvent les conflits, les incohérence, sont liés a des intérêts matériels.
    beaucoup de francais dit libéraus ne sont que intéressé économiquement à leur liberté, mais sont très antilibéraux (d'ici toute la société francaise est antilibérale, c'est notre éducation depuis le berceau. le quebec me semble entre les deux).

    un vrai libéral défend les émigrants, quitte a leur donner comme seul droit celui de bosser, entreprebndre et construire leur maison... et pour le reste se le payer. (c'est ma position, car jeuis marié avec une étrangère et j'ai vu le courage des immigrés... ils ont pas besoin d'aide, mais d'être libérés)
    on est loin de la droite même libéral ici.

    une vision clé des libéraux, que vous décrivez bien est qu'on ne pense pas qu'il soit possible de dire ce qui sera bon, qui sera bon, avant que ce soit fait. la sanction est a posteriori.
    lc'est aussi l'assemblage sincère entre liberté et responsabilité, très loin du pseudo libéralisme financier empreunt d'aléamoral (privatiser les gains, nationaliser les pertes).

    dans le style une idée clé est qu'aucun comité d'expert, ni même individu, ne peut connaitre l'avenir avec certitude. tout au plus celui qui souffrira de ses erreurs (l'entrepreneur, pas le fonctionnaire) utilisera mieux les informations que celui qui sera jugé à priori sur la qualité de sa décision, pas du résultat (et qui suivra les modes... genre le scientifique financé par les modes).

    Un movement libéral émerge, poussé par gaspar koenig en france, c'est l'idée que le libéralisme doit non pas défendre la liberté, mais l'autonomie. cela signifie qu'il faut aider les individus, mais ne pas trop se méler de leur choix. Ca pousse au revenu de base, aux lois sur la faillite personnelle, aux crédits hypothécaires, au droits à l'oubli, au peines certaines mais courtes, aux thérapies comportementales .

    En France c'est un désert politique, même si à l'expulsion du monde politique massivement antilibéral, la population commence à se diriger doucement vers l'autonomie (il faut dire vu l'échec pratique de l'assistanat/régulationisme).

    sur l'opposition prévention/sanction, c'est un bon débat, mais peut être est il plus technique que fondamental.

    il faut intégrer au libéralisme, une forme de réalisme sur le fait que dans certains domaines l'homme, l'enfant, n'est pas autonome mais esclave de ses pulsions et parfois des autres. mais on a atteint un niveau intolérable d'imisscion dans les décisions privées, ce qui accessoirement bloque l'innovation technologique, économique et sociétale.

    en plus il faudrait réévaluer les politique d'intrusion dans les choix privés pour vori si ca marche... j'ai pas l'impression que ca marche, sauf pour les enfants (mais là aussi on tente de contrôler les parents qui s'ils ne sont pas tous parfaits, le sont bien plus que les institutions).

    evidence based policy.
    sinon poubelle.

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    1. Merci pour votre commentaire. Notez que cet article n'est pas encore tout à fait complet. J'aborderai la critique des dimensions que j'ai dégagées ici, dans un prochain article.

      AR

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